L’entrée des MNA dans le dispositif d’accueil

L’arrivée sur le territoire

Les jeunes sans parent arrivent dans la rue, demandent à un passant, à un travailleur social, se présentent au commissariat,  Ils sont orientés vers le Conseil Départemental du Gard qui va les recueillir. Cet accueil est une des missions des Conseils Départementaux (CD) : protéger tous les mineurs en danger ou en risque de l’être, surtout sans parent.

Le CD du Gard doit accueillir tous les mineurs même avant décision  judiciaire, comme le fait le Vaucluse par exemple ; d’autres CD attendent les décisions judiciaires et laissent les jeunes à la rue. Dans certains départements, l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), quand elle estime que le demandeur qui se présente est « d’évidence majeur », refuse de l’accueillir et de l’intégrer au dispositif.

L’évaluation

Lors d’un entretien et à partir des papiers dont disposent les jeunes, une évaluation de leur situation est faite. Elle porte essentiellement sur leur isolement et leur âge. Cette évaluation est réalisée par  l’ASE qui transmet l’évaluation au parquet des mineurs.

Les évaluations peuvent durer beaucoup plus longtemps à cause des surcharges dans les services ; ces évaluations sont quelquefois confiées à des associations ou services spécialisés. L’évaluation est financée par l’État : https://www.lagazettedescommunes.com/703796/ )

Pendant le temps de l’évaluation, le jeune est invité à aller faire une prise d’empreinte ; il n’y est pas obligé. S’il est reconnu comme s’étant déjà présenté dans un autre département, son évaluation ne sera pas prise en compte, il ne sera pas admis à la protection.

La décision du Procureur

Le procureur prend alors une des décisions suivantes, en principe transmise dans un délai de 1 à 2 semaines à l’ASE :

  • Soit le parquet considère que le jeune n’est pas mineur : il peut délivrer une Ordonnance de Placement Provisoire (OPP) pour le Conseil Départemental, éventuellement avec une demande d’enquête. Sinon, il peut demander une enquête sans délivrance d’une OPP : le jeune reste donc sans protection.
  • Soit le parquet informe la cellule nationale d’orientation de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), laquelle fait connaître sa décision d’orientation. Le procureur prend une OPP puis transmet le dossier au parquet concerné qui saisit le Juge des Enfants (JE) de la même juridiction (celle du lieu d’arrivée ou une autre).

C’est la PJJ qui pilote le dispositif national d’orientation des mineurs selon un quota  par département (PDF). Beaucoup de mineurs sont réorientés .

Le Juge des Enfants

Lorsque la cellule nationale d’orientation de la PJJ a fait connaître sa décision, le parquet transmet le dossier au parquet désigné qui saisit le JE de la même juridiction. Le juge des enfants tient une audience en principe sous 21 jours.

Ce délai est souvent prolongé alors que l’OPP ne devrait précéder la saisine du JE que de 8 jours maximum.

  • Soit il déclare le jeune « majeur » ; le juge ne délivre ni d’OPP ni de Jugement d’Assistance Éducative (JAE).
  • Soit il reconnaît le jeune comme ayant moins de 18 ans ; il produit alors un JAE.
  • Soit la Police Aux Frontières (PAF) n’a pas retourné son enquête ; le juge délivre alors une OPP pour un temps qu’il pourra prolonger.

S’il y a enquête : à la demande du procureur ou du Préfet, la PAF convoque le jeune. Celui-ci peut être accompagné par son éducateur. Il est interrogé. La PAF prend ses papiers, contrôle si il n’est pas recherché, compare les empreintes digitales, prend des photos, opère un contrôle documentaire. S’en suit une nouvelle convocation à la PAF pour communication des résultats de l’enquête. On peut alors lui proposer un test osseux. Le jeune peut accepter ou refuser ce test.

La loi de réforme de la protection de l’enfance de 2016 a légalisé ce test, mais ne donne aucune garantie à ce mineur pour que son consentement soit libre et éclairé. Le refus est risqué pour le jeune qui peut se voir, du coup, considéré comme majeur. Ces tests sont très controversés : Ados Sans Frontière en condamne l’utilisation.

Si la PAF, suite au test osseux, décide que le jeune n’est pas mineur, sur décision du parquet, il est arrêté et conduit au Centre de Rétention Administrative (CRA) (celui qui dispose de places). Il est permis au jeune de contester en justice cette rétention administrative.

Le juge des tutelles

Le parquet peut saisir directement non pas le JE mais le juge des tutelles, puisque le jeune se trouve sans autorité parentale sur le territoire. Celui-ci confie  alors le jeune au service de l’ASE qui devient son interlocuteur.

Le JE peut aussi saisir le juge des tutelles et se dessaisir du dossier en faveur de celui-ci.

Le film “Récit d’une jeunesse exilée, j’ai marché jusqu’à vous” illustre ces étapes au travers de témoignages :

Mineurs isolés : tout savoir sur votre prise en charge à votre arrivée en France

Un dossier d’InfoMigrants de mars 2019, réactualisé en 2021

À quoi faut-il s’attendre lorsqu’on est un mineur étranger isolé arrivant en France ? Comment entamer une procédure de prise en charge, être accompagné, logé ? InfoMigrants fait le point.

Article actualisé en mars 2021.

Environ 17 000 mineurs isolés sont pris en charge par la France chaque année. InfoMigrants fait le point sur la procédure à suivre pour faire reconnaître sa minorité sur le sol français.

Qu’est-ce qu’un mineur non-accompagné ?
Selon France Terre d’Asile, “c’est un jeune de moins de 18 ans qui n’a pas la nationalité française et se trouve séparé de ses représentants légaux sur le sol français. De sa minorité découle une incapacité juridique, et de l’absence de représentant légal une situation d’isolement et un besoin de protection.”

J’arrive en France, je veux faire reconnaître ma minorité, où dois-je aller ?
Si je suis à Paris, c’est la Croix rouge qui s’occupe des mineurs isolés. Il faut se rendre dans les locaux du Demie (Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers), 5 rue du Moulin Joly, dans le 11e arrondissement. Le Demie est ouvert du lundi au vendredi de 9h à 17h.
Si je suis en Seine-Saint-Denis (93), c’est également la Croix rouge. Dans le Val de Marne (94), c’est l’association France Terre d’Asile qui s’en occupe.
Si j’arrive dans un autre département français (dans les Alpes-Maritimes, par exemple, parce que je viens d’Italie), je dois m’adresser à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) qui se trouve au sein du Conseil départemental.
En vertu des lois européennes et de la Convention internationale des droits de l’enfant, un mineur est un enfant avant d’être un migrant. À ce titre, il a le droit d’entrer dans le dispositif français de protection de l’enfance.
Depuis le début de l’année 2019, de nouvelles mesures existent. En parallèle de votre rendez-vous à l’Aide sociale à l’enfance, vous devrez vous présenter à la préfecture pour un relevé d’empreintes. L’État vous enregistrera dans un fichier centralisé. Cette nouvelle disposition vous empêchera de passer de département en département. Par exemple, si les Alpes-Maritimes vous refusent la minorité, ce refus fera loi dans tous les autres départements.
À noter : il n’y a pas de relevés d’empreintes effectués sur les mineurs à Paris et en Seine-Saint-Denis.
Le Demie ou l’ASE vont vous donner une date pour un entretien. Ni l’un, ni l’autre n’ont le droit de vous refuser l’accès à leurs locaux. En cas de refus, vous pouvez demander l’aide d’une association*.
Dans les autres départements, des associations peuvent également vous aider. En voici ici une liste non-exhaustive.

Comment se passe l’entretien ?
Le Demie (à Paris) ou l’ASE (dans les autres départements) doivent vous faire passer un entretien d’évaluation pour déterminer votre minorité. Gardez le maximum de documents susceptibles de vous aider à prouver que vous avez moins de 18 ans (extrait d’acte de naissance, pièce d’identité, papiers de scolarité…).
“Si vous n’avez pas de papiers d’identité, l’administration française est censée tout faire pour vous aider à les retrouver mais, dans les faits, c’est extrêmement rare”, précise toutefois Corinne Torre, cheffe de mission France chez MSF.
Si vous ne parlez pas français, un interprète sera mis à votre disposition. Il peut arriver que l’un des examinateurs du Demie parle votre langue et traduise lui-même vos propos. Si c’est le cas, n’hésitez pas à vous confier.
Cet entretien est extrêmement important. Ne mentez pas, n’écoutez pas les passeurs qui peuvent vous fournir de “fausses histoires”.
L’administration vérifiera toutes les informations que vous donnerez. Pour vérifier votre âge, l’agent posera des questions sur votre parcours, votre histoire personnelle, votre famille… Certains départements ont recours à des tests osseux même si, selon la loi, ces derniers ne peuvent être réalisés que sur décision judiciaire.
Si vous le souhaitez, vous avez également la possibilité de demander une consultation médicale pour évaluer votre état de santé.

Pendant l’étude de mon dossier où vais-je dormir ?
À partir du moment où vous avez la date de votre rendez-vous d’évaluation, l’ASE et le Demie ont la responsabilité de vous loger. Une fois reconnu mineur(e), en fonction de votre âge et des places disponibles, vous pouvez être placé(e) en foyer de l’enfance, dans un hôtel social, dans des Maisons de l’Enfance, ou en famille d’accueil.
Si vous dormez dehors, vous pouvez trouver de l’aide auprès d’associations (Médecins sans Frontières, Utopia 56…).

Qui prend la décision de ma minorité ?
À Paris, c’est la DASES (Direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé) qui rend sa décision en quelques jours après la transmission de votre dossier par le Demie.
Dans la majorité des autres départements, c’est l’Aide sociale à l’enfance (ASE) qui rend sa décision.

Que faire si je suis débouté ?
Si vous êtes débouté(e) de votre minorité, vous pouvez déposer un recours devant le tribunal pour enfants et vous faire représenter par un avocat. C’est alors un juge pour enfant qui statuera sur votre situation.
Si l’examen n’a pas encore été réalisé, certains magistrats peuvent demander un recours aux tests osseux.
Les recours peuvent être longs. “En moyenne, à Bobigny, [un recours] prend maximum six mois. À Evry, ça peut prendre 14 mois, pareil à Nanterre. À Paris, on a réduit les délais : on est à quatre mois”, explique Ludivine Erragne, responsable du plaidoyer juridique de la mission France de Médecins sans frontières (MSF) dédiée aux mineurs non-accompagnés.
En cas de réponse négative du juge des enfants, les jeunes peuvent faire appel. Mais là encore les délais vont de six mois à un an d’attente pendant lesquels les jeunes sont livrés à eux-mêmes.
Dans ce cas de figure aussi vous pouvez demander de l’aide auprès d’associations comme Médecins sans Frontières ou d’Utopia 56 pour trouver des solutions d’hébergement dans ce laps de temps. Mais il faut savoir que, dans la majorité des cas, faute de places d’hébergement, la rue reste un passage obligatoire.

Si je suis reconnu mineur, suis-je expulsable ?
Non, il est impossible d’expulser un(e) mineur(e).
Une fois votre minorité reconnue, il est important de demander l’asile rapidement. Pour rappel, un(e) mineur(e) perd tous ses droits le jour de sa majorité.
Attention : en France, un(e) mineur(e) ne peut engager une procédure juridique ou administrative sans avoir de représentant légal, appelé “administrateur ad hoc”. C’est à la préfecture de saisir le procureur pour qu’il désigne l’administrateur ad hoc.
Le dossier de demande d’asile doit être rempli en français et signé par cet administrateur ad hoc avant d’être envoyé à l’Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), la seule instance habilitée à délivrer une protection internationale en France.

* Pour vous aider à vous rendre au Demie ou dans une ASE, vous pouvez contacter l’ADJIE (accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers). À Paris, l’Adjie tient des permanences au 49 ter avenue de Flandres, dans le 19e arrondissement, ou Médecins sans frontières (MSF). Il est aussi possible de contacter le Gisti, la Cimade, et les Midis du Mie.

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