Catégorie : Migrations

Le traitement des exilés est la grande question morale et un enjeu politique majeur de notre temps

Entretien avec Didier Fassin
Anthropologue, sociologue et médecin, Didier Fassin interroge la valeur de la vie humaine et son traitement inégal dans le monde contemporain. Il a multiplié les enquêtes sur trois continents autour de la santé, de la justice, du châtiment et de l’exil.

“Le titre du cours, cette année, est « Les épreuves de la frontière ». Je crois que le traitement des exilés est la grande question morale et un enjeu politique majeur de notre temps. Mes leçons s’efforcent d’éclairer cette situation en montrant comment les frontières se sont transformées au cours des dernières décennies, étendues, renforcées, externalisées, internalisées, et comment les exilés, dont beaucoup fuient toutes sortes de menaces dans leur pays, se retrouvent prisonniers de politiques hostiles qui exposent leurs vies et les réduisent à des conditions dégradantes en Europe, aux États-Unis, au Maghreb et au Moyen-Orient.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Le cas des demandeurs d’asile est révélateur. Plus de neuf sur dix obtenaient un statut de réfugié à la fin des années 1970. Le regard porté sur les boat people en mer de Chine était alors plein de sollicitude. Un quart de siècle plus tard, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides accordait l’asile moins d’une fois sur dix. Les milliers d’hommes et de femmes se noyant dans la Méditerranée chaque année ne recevaient plus la même attention. Pour comprendre cette évolution, j’ai proposé le concept d’économie morale, c’est-à-dire la production, la circulation et l’appropriation de valeurs et d’émotions. S’agissant des demandeurs d’asile, en quelques décennies, la société française est passée d’une économie morale de la compassion à une économie morale de la suspicion.”

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Contraindre plus encore les secours en mer : la nouvelle stratégie du gouvernement italien

Un décret-loi controversé impose désormais aux navires humanitaires de faire route « sans délai » vers le port qui leur a été assigné, sans possibilité de porter secours à d’autres migrant·e·s en détresse.
Jusqu’ici, les autorités gardaient les navires de secours en mer plusieurs jours ou semaines, jusqu’à ce que cela devienne invivable d’avoir plusieurs centaines de rescapé·e·s à bord.
Depuis, Rome a revu ses méthodes : l’attribution d’un « port sûr » est désormais plus diligente, mais aussi plus contraignante.
Ainsi, récemment, l’Ocean-Viking a dû entreprendre un long voyage de plus de 1 600 kilomètres à travers les mers Méditerranée, Ionienne et Adriatique. Quatre jours de navigation et autant pour le retour, durant lesquels le navire sera éloigné de son aire d’opération.
« L’impact pour nous, c’est bien sûr une augmentation des coûts », explique Anita Zugarramurdi. « Selon nos prévisions, notre budget carburant risque de doubler sur l’année, détaille Carla Melki, la directrice adjointe aux opérations, présente à bord quelques jours plus tôt. Cela représente 1 million d’euros en plus. »

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Mardi 17 janvier 2023 : ciné-débat à Nîmes

RESF 30, la CIMADE et le cinéma le Sémaphore à Nîmes organisent une rencontre-débat autour du thème des migrations.
Le film fictionnel “Les engagés” d’Émilie Frèche (2022) sera projeté à cette occasion et sera suivi d’un débat animé par RESF30 et la CIMADE.
Venez nombreuses·x participer et échanger avec nous !
Mardi 17 janvier 202318h15 – Le Sémaphore – Séance unique

Synopsis et infos ici (PDF)

Impunité pour la violence étatique fasciste au sein de l’UE

L’enquête ouverte par la justice espagnole sur la mort d’au moins 23 migrants africains ayant tenté de pénétrer fin juin dans l’enclave de Melilla depuis le Maroc a été classée sans suite, faute d’éléments suffisants contre les forces de l’ordre espagnoles.
Le 24 juin, près de 2 000 clandestins, en majorité originaires du Soudan – pays très pauvre miné par les conflits –, avaient tenté de pénétrer dans l’enclave de Melilla, située sur la côte nord du Maroc.
Selon les autorités marocaines, au moins 23 migrants ont péri dans cette tragédie qui représente le bilan humain le plus lourd jamais enregistré lors des tentatives d’intrusion de migrants dans cette enclave ou dans celle de Ceuta, qui constituent les deux seules frontières de l’UE sur le continent africain.

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L’Espagne ouvre la voie à la régularisation de milliers de sans-papiers

Fin juillet, le gouvernement espagnol a adopté une réforme de la loi sur les étrangers, visant à faciliter l’accès des immigré·es au marché du travail, y compris celles et ceux déjà présents sur le territoire en situation irrégulière. Cela concernerait des milliers de personnes.
Selon le ministre des migrations, Jose Luis Escrivá, il s’agit « d’encourager une immigration régulière, ordonnée et sûre », alors que le pays connaît une forte pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs comme l’agriculture, le BTP ou le tourisme, malgré un taux de chômage élevé. Les entreprises pourront désormais recruter des personnes étrangères depuis leur pays d’origine, via l’octroi facilité de visas de travail.
Les étudiantes et étudiants étrangers pourront également travailler en parallèle de leur cursus (jusqu’à 30 heures par semaine) et les restrictions à l’accès des jeunes diplômé·es sur le marché du travail seront supprimées. Les personnes s’étant déjà établies en Espagne de manière irrégulière depuis plus de deux ans pourront par ailleurs être régularisées et intégrer le marché du travail ou bénéficier d’une formation à un métier dit « sous tension », à l’instar du modèle allemand.
L’Allemagne compte aussi régulariser des dizaines de milliers de déboutés du droit d’asile, tandis que la France reste à la traîne.

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Migrations : le manque de solidarité délétère de l’UE

Dans un rapport publié mardi, l’Institut Jacques Delors regrette le déficit de «dynamique politique» de l’Union européenne sur les migrations et l’asile, et demande de l’ambition à Emmanuel Macron qui prendra les rennes de l’UE en janvier.
Impasse à Lesbos, tensions à la frontière Pologne-Bélarus, naufrage au large de Calais… L’actualité tragique aux frontières de l’Europe rappelle – faute de consensus entre les États-membres – les manquements des politiques européennes en matière de migrations. Surtout lorsqu’il s’agit de les traiter sous l’angle de la solidarité. Pourtant, au total, plus de 50 000 personnes auraient trouvé la mort aux frontières de l’Europe depuis 1993.

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