Le viol, passage presque inévitable de la migration : à Marseille, huit femmes témoignent

Lundi 18 septembre, la revue scientifique internationale « The Lancet » publie une enquête de santé publique inédite menée sur 273 demandeuses d’asile à Marseille, corrélant la migration et la violence sexuelle dont elles sont victimes. « Le Monde » a recueilli les histoires de huit femmes qui ont participé à l’étude.
Au milieu de la conversation, Aissata tressaille. Adama, elle, manque plusieurs fois de faire tomber son bébé de 2 mois, gros poupon emmailloté dans un body blanc, qu’elle allaite le regard absent. Les yeux de Perry se brouillent : elle a vu trop de violence. Ceux de Fanta sont devenus vitreux : elle est là, mais plus vraiment là. Grace regrette sa sécheresse oculaire, elle aimerait tant pleurer et hurler, peut-être la croirait-on et l’aiderait-on davantage, mais elle ne sait pas où ses larmes sont parties. Nadia sourit en montrant les cicatrices des brûlures de cigarettes qui constellent sa poitrine, comme pour s’excuser de cette vie qui l’a fait s’échouer ici. Stella porte ses lunettes de soleil à l’intérieur, et explose de rire en racontant qu’elle a été vendue quatre fois.
Tous ces détails, ces marques de la barbarie inscrite dans le corps des femmes migrantes, le docteur Jérémy Khouani les observe depuis ses études de médecine. Généraliste dans une maison de santé du 3e arrondissement de Marseille – avec 55 % de ses habitants au-dessous du seuil de pauvreté, c’est l’un des endroits les plus pauvres de France –, il soigne les bobos, les angines et les gastros, mais voit surtout le traumatisme surgir face aux mots « excision », « Libye », « traite » ou « viol ».

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Mission nationale mineurs non accompagnés : Rapport annuel d’activité 2022

La France a été éprouvée, au cours de ces trois dernières années, par la pandémie de la Covid-19. La fermeture des frontières a eu un effet considérable sur les phénomènes migratoires. Avec la fin des restrictions de déplacements, l’arrivée plus nombreuse de mineurs non accompagnés (MNA), constatée à partir de l’été 2021, s’est confirmée en 2022. Avec une augmentation de plus de 30 % par rapport à l’année 2021, le nombre de MNA pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance s’approche de celui des années 2018 et 2019.
Les rapports d’évaluation des mineurs en migration, dont la mission nationale mineurs non accompagnés (MMNA) a connaissance, montrent des parcours de vie traumatiques. Les
professionnels constatent un rajeunissement des personnes qui demandent un accompagnement
au titre de la protection de l’enfance. Le nombre de jeunes filles est aussi le plus élevé jamais
recensé par la MMNA.

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Neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté : le retour de la faim en France ?

« Sans des structures comme les Restos du Cœur, il y aurait peut-être des émeutes de la faim », estime la chercheure Bénédicte Bonzi. Elle dénonce le développement d’un marché de la faim qui conforte le système agro-industriel.
La demande en aide alimentaire a triplé depuis dix ans. Il est difficile d’avoir des données précises sur le nombre exact de bénéficiaires, en raison notamment des doubles inscriptions – les banques alimentaires indiquent avoir accueilli 2,4 millions de personnes en 2022 contre 820 000 en 2011, sans compter les autres réseaux de distribution comme les Restos du cœur. Une chose est sûre : la proportion de personnes qui n’y ont pas recours et qui ne demandent rien est importante. Neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Pour ces personnes-là, la nourriture est potentiellement une variable d’ajustement.

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Briançon : devant l’afflux de migrant.e.s, le centre d’accueil « les Terrasses solidaires » contraint de fermer ses portes

Le Conseil d’Administration des Terrasses Solidaires a décidé de fermer provisoirement les portes du bâtiment le 30 août 2023. L’activité d’hébergement d’urgence de Refuges Solidaires est réalisée sous tente sur un terrain prêté temporairement par la Paroisse de Briançon (Hautes-Alpes).
Avec 315 personnes recensées le 28 août dans le bâtiment homologué pour 81 places et pensé pour 65 couchages, les conditions de sécurité et de dignité ne pouvaient plus être maintenues. Devant l’arrivée croissante de personnes exilées qui traversent la montagne depuis l’Italie, le tiers-lieu des Terrasses Solidaires décide de suspendre l’accueil de public dans ses locaux du 34 route de Grenoble à Briançon.

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Deux mille enfants à la rue en France : “Tous les soirs, au 115, on refoule des enfants”

Dans la nuit du 21 août, près de deux mille enfants ont dormi dehors en France. Un quart d’entre eux ont moins de 3 ans, selon un baromètre publié par l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité. Un chiffre en nette augmentation.

Une enfance sans toit. Il est des chiffres qu’on préférerait ne pas connaître. Des réalités qui sont plus douloureuses qu’on ne voulait bien l’imaginer. Selon le 5ᵉ baromètre « Enfants à la rue », publié ce mercredi 30 août par l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité, 1 990 enfants, dont 480 âgés de moins de 3 ans, étaient laissés sans solution d’hébergement la nuit du 21 au 22 août dernier. À la rue. Un chiffre établi dans toute la France grâce aux appels passés au Samu social cette nuit-là. Les associations déplorent « une augmentation de 20 % par rapport à l’année dernière », et la promesse de ne « plus avoir aucun enfant à la rue » – exprimée en novembre 2022 par Olivier Klein, alors ministre délégué au Logement – « toujours non tenue », ou du moins « pas durablement ».

Des chiffres inquiétants, et qui pourtant ne sont que parcellaires. De nombreuses familles n’ont « pas ou plus » recours au 115, d’autres vivent dans des squats ou des bidonvilles et les hébergements d’urgence – qui n’ont d’urgence que le nom tant ils sont souvent tristement pérennes – sont la plupart du temps des chambres d’hôtels, où la vie de famille est impossible. Autant de situations contraires aux droits fondamentaux des enfants, nous explique Manuel Domergue, le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.

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Voir aussi l’article de France-Inter

Droit et éthique des migrations

Après le naufrage de l’Andriana en juin 2023, la question du traitement des migrants en Europe se fait toujours plus prégnante. Comment abordons-nous la situation aujourd’hui ? Quel lien entretenons-nous entre droit et migration ? Comment le sens donné à la frontière conditionne-t-il nos actions ?
Pour tenter de répondre aux questions qui émergent à l’occasion d’une analyse du rapport entretenu entre le phénomène migratoire et les notions de droit et d’éthique, François Héran et Didier Fassin sont intervenus chacun leur tour au Collège de France.
Dans sa série intitulée “Les migrations à la lumière du droit”, François Héran explore les problématiques liées à l’appréhension des migrants à l’aune du droit : doit-on suivre le droit migratoire, lié à la politique des pays, ou bien privilégier le caractère fondamental des droits de l’homme ?
Didier Fassin, quant à lui, revient sur le sens donné à la notion de “frontière” dans sa série “Les épreuves de la frontière”. Il la voit comme un outil déterminant notre rapport à nous-mêmes et à l’altérité : “La frontière est un laboratoire où se testent les valeurs et les principes des sociétés européennes, qui accueillent chaleureusement les réfugiés ukrainiens victimes de l’invasion de leur pays et rejettent inflexiblement d’autres réfugiés, afghans ou iraniens, fuyant les persécutions qu’elles n’ont pourtant de cesse de dénoncer. Un laboratoire où sont auscultées les limites de la démocratie et de l’humanité.”

4 épisodes de 58 min (ici)